La France et l’Afrique : une stratégie économique à réinventer
Un continent omniprésent dans les discours, oublié dans les faits. L’Afrique revient souvent dans les débats français : mémoire coloniale, enjeux migratoires, présence militaire, francophonie, défis sécuritaires. Pourtant, le constat économique est sans appel ; la France recule. Loin des grandes ambitions affichées, les échanges avec le continent s’effondrent et le rôle économique français y devient marginal.
FRANCOPHONIE ÉCONOMIQUE
Thibault Pellissier

Le rapport du Sénat Afrique : notre voisin stratégique tire la sonnette d’alarme : l’influence française décline, la relation franco-africaine se délite, et aucune stratégie économique offensive n’a été définie. En parallèle, le document diplomatique officiel Un partenariat France-Afrique renouvelé, publié par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, propose de refonder la relation sur l’égalité, la co-construction, la souveraineté africaine, la jeunesse et les sociétés civiles. Il insiste sur la transition écologique, la restitution du patrimoine culturel ou encore la mobilité éducative.
Ces textes, aussi importants soient-ils, restent insuffisants. Ils se contredisent sur le sujet de la repentance, omettent la question centrale de la liberté économique et manquent d’audace sur les leviers commerciaux. La France se prive ainsi d’un rôle utile et stratégique dans le développement africain. Il est temps de construire une stratégie cohérente, lisible et offensive.
L’influence économique française en chute libre
La France, historiquement bien implantée sur le continent, voit sa présence économique s’éroder depuis le début des années 2000. En 2000, elle représentait encore environ 10 % des importations africaines. En 2023, cette part est tombée à moins de 4 %, selon la Direction générale du Trésor. Cette érosion est d’autant plus marquée que d’autres puissances ont su s’imposer. Aujourd’hui, la Chine capte désormais plus de 20 % du marché africain, suivie de près par l’Inde, les Émirats arabes unis, la Turquie et la Russie.
Les échanges commerciaux France-Afrique restent limités et très concentrés : en 2022, le continent représentait seulement 2,2% du commerce extérieur français, selon l’Insee. Cela correspond à environ 29 milliards d’euros, dont plus de la moitié sont réalisés avec le Maghreb. Le reste se concentre principalement sur quelques pays d’Afrique de l’Ouest (Côte d’Ivoire, Sénégal) et du Centre (Cameroun, Gabon). L’Afrique subsaharienne francophone ne représente à elle seule que 0,6 % des échanges français. À titre de comparaison, la seule Allemagne absorbe plus de 70 milliards d’euros d’exportations françaises.
Les secteurs dans lesquels la France reste active sont traditionnels : infrastructures, énergie, télécoms, services urbains. Mais elle est absente ou marginale dans des domaines d’avenir comme le numérique, les énergies renouvelables, les biens de consommation courante, les technologies médicales, … Elle peine aussi à s’implanter dans les marchés non francophones, notamment en Afrique de l’Est ou australe, où les anglo-saxons, les asiatiques et les acteurs du Golfe ont pris une large avance.
Le mythe du pré carré économique est largement dépassé. Comme l’analyse la chercheuse Eleonora Vio, « la France reste prisonnière d’un imaginaire postcolonial dépassé ». Elle surestime son ancrage historique au détriment d’une stratégie commerciale réaliste. Les investissements directs français, bien que relativement stables (autour de 60 milliards d’euros cumulés en stock), sont très inégalement répartis et reposent essentiellement sur les grands groupes, avec peu de répercussions sur le tissu entrepreneurial local.
La désaffection touche aussi les grands projets et plusieurs contrats ont échappé à des entreprises françaises au profit de consortiums chinois ou turcs. En parallèle, les attentes africaines évoluent. Les élites économiques recherchent des partenaires rapides, flexibles, capables de livrer vite, de co-investir et de créer de l’emploi local. La France, elle, reste perçue comme lente, technocratique, prudente — voire moralisatrice.
Le constat est clair : la France est en train de devenir un acteur secondaire sur un continent qui représentera 2,5 milliards d’habitants en 2050. Ce recul économique est d’autant plus alarmant qu’il fragilise aussi l’influence diplomatique, culturelle et stratégique.
Pourquoi la France décroche en Afrique ? Entre inertie stratégique et offre dépassée
Le déclin économique français en Afrique ne date pas d’hier. Comme le souligne Hervé Gaymard en 2019, la France souffre d’un « effacement stratégique progressif », marqué par la perte de parts de marché, la réduction des projets structurants et le manque de continuité politique dans les approches économiques. Ce constat est partagé par l'École de Guerre Économique qui évoque un « désengagement presque volontaire » de la France, dans un contexte de concurrence débridée avec des acteurs plus agressifs, plus lisibles et souvent moins exigeants sur les conditions de gouvernance locale.
À cela s'ajoute un héritage contractuel parfois néfaste. Les accords économiques historiques entre la France et certains pays africains, notamment les anciens traités bilatéraux et les zones d’influence héritées de la Françafrique, sont de plus en plus contestés localement. Comme l’explique l’économiste Ndongo Samba Sylla, ces relations ont souvent freiné l’émergence de politiques industrielles africaines autonomes. En multipliant les conditionnalités ou en entretenant un système extractif au bénéfice de grands groupes, elles ont contribué à la perception d’un partenariat déséquilibré, obsolète et néocolonial dans ses méthodes.
La chaîne allemande DW notait déjà en 2021 que « l’économie française perd de l’influence en Afrique », et que cette perte est particulièrement rapide là où la concurrence chinoise, turque ou indienne s’intensifie — en Afrique de l’Est, australe ou anglophone. Ce recul est d’autant plus inquiétant qu’il s’accompagne d’un affaiblissement politique et culturel. Le déclin économique nourrit une perte d’influence géopolitique générale, et la France a vécu une « humiliation géopolitique » dans plusieurs anciennes zones d’influence.
Le rapport du Sénat Voir l’Afrique dans tous ses états publié en mai 2024 ne dit pas autre chose : « sans redressement économique, il n’y aura pas de présence stratégique française crédible en Afrique ». L’érosion de la position française repose moins sur un rejet unilatéral de la France que sur sa incapacité à proposer une offre attractive, lisible et cohérente, dans un monde où les autres puissances agissent avec clarté et volontarisme.
Une diplomatie économique en décalage avec le discours politique
Malgré les nombreux « Sommets Afrique-France » ou les discours de rupture — à l’image de celui prononcé par Emmanuel Macron à Ouagadougou en 2017 — aucune stratégie économique offensive, lisible ou structurée n’a vu le jour. Le décalage entre les annonces et les actes est devenu manifeste. La diplomatie économique française reste dans une logique descendante, rigide, trop centrée sur Paris, où l’économie est secondaire par rapport aux priorités diplomatiques classiques ou culturelles.
Comme le souligne un rapport du CAPS, les outils d’influence français manquent cruellement de cohérence et de coordination. L’aide publique au développement, qui reste le cœur du dispositif français en Afrique, mobilise chaque année près de 10 milliards d’euros (AFD et autres), mais sans impact économique structurant. Pire, cette aide alimente parfois des circuits de dépendance, au lieu de créer les conditions d’un développement autonome.
Du côté public : lourdeur, cloisonnement, déconnexion
L’État français a longtemps privilégié une approche institutionnelle et technocratique, où la logique d’aide l’emporte sur celle de l’investissement. Les services économiques régionaux sont souvent noyés dans des tâches administratives, et la coordination entre Business France, les ambassades, Bpifrance et les ministères concernés est insuffisante, comme le souligne un rapport de la Cour des comptes publié en octobre 2022. Business France ne dispose que de quelques bureaux en Afrique subsaharienne, là où ses concurrents allemands ou italiens disposent d’un réseau plus dense, mieux financé, et centré sur l’appui aux PME.
Les postes diplomatiques sont saturés de missions culturelles ou politiques. Dans certains cas, des postes en mission culturelle, parfois doublés par les Alliances françaises ou d'autres opérateurs, pourraient utilement être redéployés au service de la diplomatie économique. Une révision des affectations et une meilleure articulation entre les relais de terrain et Paris sont urgentes.
Quant aux projets lancés, ils sont trop souvent politiques ou symboliques (forums, déplacements présidentiels, promesses de coopération). Ces gestes, nécessaires en apparence, restent sans prolongement économique concret. Ils ne suffisent pas à signer des contrats, à rassurer les investisseurs ou à stimuler l’implantation d’entreprises.
Du côté des acteurs privés français : frilosité et isolement stratégique
Les grands groupes français ont largement réduit leur exposition. Bolloré a vendu ses activités logistiques africaines au groupe MSC en 2022. Orange fait face à une concurrence asiatique et locale croissante, et recentre ses activités. TotalEnergies est l’un des derniers géants à maintenir une forte présence, mais elle est concentrée sur des projets énergétiques et perd la main sur certains marchés.
Les PME françaises, quant à elles, sont peu présentes et seulement 5,3 % des PME françaises prévoient d’exporter vers l’Afrique en 2025. Elles manquent d’appui, de garanties adaptées, de financements spécifiques et d’informations stratégiques. La peur du risque africain — parfois justifiée — est accentuée par un déficit d’intelligence économique. L’identification des bons partenaires, la connaissance des normes locales, la protection juridique, l’anticipation géopolitique sont rarement maîtrisées.
Les dispositifs existants — assurances prospection, garanties de projet, etc. — sont mal connus et mal calibrés. Le financement en fonds propres est quasi absent, contrairement à ce que proposent les Allemands ou les Italiens via leurs banques de développement ou agences d’exportation.
Du côté africain : défiance et impatience
De nombreux partenaires africains expriment une forme de lassitude vis-à-vis de la France. L’image d’un pays rigide, donneur de leçons, parfois condescendant, demeure ancrée. La Chine, la Turquie, ou les Émirats proposent une approche plus directe : financement rapide, livraisons rapides, adaptation aux demandes locales, peu de conditions.
Cette agilité fait défaut à la France, qui reste enfermée dans une bureaucratie lente, dans des schémas diplomatiques classiques, et dans une forme d’inertie stratégique. Pourtant, la demande est là et les États africains — y compris ceux qui critiquent la France politiquement — attendent des partenariats sérieux, clairs, concrets. Ils cherchent à bâtir des infrastructures, à former des jeunes, à industrialiser leurs économies. Et ils sont prêts à coopérer avec les pays qui sauront répondre à ces attentes avec efficacité et respect.
Ce cocktail d’erreurs, d’inertie et de malentendus alimente une spirale de marginalisation. Si la France veut retrouver une place dans le jeu africain, elle devra reconstruire sa crédibilité par les actes, non par les postures.
Redevenir un acteur économique crédible
Face à ce constat, la France peut encore rebondir si elle assume une stratégie économique cohérente, lisible et ambitieuse.
Chasser en meute
Il faut articuler l’action des grands groupes avec celle des PME et ETI. Les grands groupes français peuvent ouvrir des marchés, structurer des filières. Les PME, plus souples, peuvent s’y insérer. Cette stratégie nécessite une plateforme de coordination, des dispositifs conjoints de financement, et un maillage territorial plus fin.
Les exemples de réussites françaises ne manquent pas. Au Maroc, Sogetrel a inauguré en 2023 à Casablanca sa filiale Genius Services, dédiée aux infrastructures numériques et aux équipements connectés. L’entreprise a noué des partenariats solides avec les autorités locales pour accompagner la transition numérique du pays, contribuant activement à la modernisation des infrastructures digitales. Au Kenya, Olvea, PME spécialisée dans les huiles végétales, a installé près de Nairobi une unité de production durable, valorisant des fruits invendus pour produire des huiles d’avocat et de macadamia tout en soutenant les petits producteurs. En Namibie, Innovent développe des projets éoliens comme le parc de Diaz, répondant aux besoins énergétiques tout en dynamisant l’économie locale. D’autres réussites confirment le potentiel. Par exemple, au Rwanda, Tactis collabore depuis 2019 avec les autorités publiques pour déployer des infrastructures numériques et des solutions de smart city à Kigali, dans une logique d’innovation durable. Enfin, en Éthiopie, Nutriset, pionnier normand de la nutrition thérapeutique, s’est associé à un acteur local pour produire sur place des compléments comme le Plumpy’Nut, tout en respectant les normes internationales et en favorisant l’industrialisation locale.
Ces entreprises montrent que les PME françaises ont leur place en Afrique, à condition de s’adapter aux réalités du terrain, de tisser des partenariats intelligents et d’innover utilement. Ces modèles doivent devenir la norme, pas l’exception.
Réorienter la diplomatie vers le commerce extérieur
La diplomatie française en Afrique doit désormais se recentrer sur le commerce et faire du développement économique un axe stratégique assumé. La part de l’Afrique dans le commerce extérieur français reste ridiculement faible et l’ambition pourrait être au moins de tripler les échanges en dix ans. Pour cela, il est impératif de mobiliser pleinement les outils publics en sortant de la logique d’aide et en assumant une relation décomplexée, fondée sur le partenariat économique.
La France doit désormais assumer pleinement cette relation décomplexée que Nicolas Sarkozy appelait de ses vœux dans son discours de Libreville en 2010. Il ne s’agit plus de faire semblant de rompre avec une logique paternaliste tout en continuant à la pratiquer sous d'autres formes. L’aide publique au développement ne peut plus être l’ossature des relations françaises avec les pays africains. Les subventions, les dons, les financements bilatéraux sans contrepartie réelle entretiennent souvent des dépendances et des effets pervers.
« What Africa needs is trade, not help » martelait le président ougandais Yoweri Museveni lors du sommet Italie Afrique de janvier 2024. Cette évidence est désormais partagée par de nombreux leaders africains eux-mêmes, lassés d’une logique de perfusion qui entrave la souveraineté économique, quand bien même ils ont une grande part de responsabilité et profitent allègrement de la situation. « Pleurnicher sur l’aide ou la réclamer systématiquement n’est pas une stratégie de développement » faisait remarquer récemment Célestin Monga, professeur d’économie à Harvard. Et cela ne doit plus être une stratégie diplomatique non plus. L’argent gratuit n’est jamais neutre. Il suscite des attentes, des frustrations, et renforce l’image d’un donneur qui veut tout contrôler.
Il est temps d’inverser cette logique et de remplacer l’aide par le contrat, la donation par le partenariat, la tutelle par le business.
Dans ce contexte, l’action économique de la France doit devenir plus fluide, plus discrète, plus efficace. Il faut en finir avec le réflexe consistant à faire dépendre les implantations et les partenariats d’une visite présidentielle ou d’un sommet diplomatique. La récupération politique ralentit les projets, crée des crispations et rend les démarches françaises démarches trop visibles, donc fragiles face aux différentes concurrences géopolitiques et géoéconomique. Passer sous les radars diplomatiques, c’est permettre aux projets de se concrétiser plus rapidement, sur une base contractuelle saine et mutuellement bénéfique. Comme le souligne Laurent Saint-Martin, directeur général de Business France, il faut désormais « libérer les énergies économiques » et sortir d’un modèle diplomatique trop centralisé.
Bpifrance a un rôle central à jouer avec son programme Accélérateur Afrique. Encore trop timide sur le continent, son action doit être renforcée, massivement orientée vers les PME et ETI, et libérée de la lenteur bureaucratique. La Banque publique d’investissement pourrait devenir un véritable levier de diplomatie économique, notamment sur les marchés non francophones, si elle s’implante davantage sur le terrain. De même, Business France doit être réformé pour devenir une structure agile, offensive, proactive, capable de détecter les opportunités et d’accompagner rapidement les entreprises françaises sur place. Les régions françaises doivent aussi être incitées à s’impliquer davantage dans la coopération économique territorialisée.
À cet égard, le modèle italien constitue une bonne source d'inspiration. Avec le Plan Mattei (du nom du nom d’Enrico Mattei, figure emblématique de la stratégie économique italienne en Afrique au siècle dernier), l’Italie de Meloni a amorcé depuis 2023 une politique africaine ambitieuse, centrée sur le développement d’infrastructures, l’investissement privé, la formation, et la sécurité énergétique. Ce plan, qui associe étroitement les entreprises italiennes à une diplomatie plus offensive, prend forme avec un partenariat signé avec la Banque Africaine de Développement en janvier, réaffirmé en mai. Surtout, il se distingue par son pragmatisme assumé et par une volonté de bâtir des partenariats équilibrés, sans complexe ni arrière-pensée moralisatrice. Ce modèle, encore perfectible, peut inspirer les décideurs français. Il prouve qu’un cap clair, un message lisible et une volonté politique cohérente peuvent transformer en profondeur les relations avec le continent africain.
Ce cap vient d’ailleurs d’être renforcé : en mai 2025, l’Italie a annoncé l’élargissement du Plan Mattei à de nouveaux domaines clés tels que l’agriculture, la santé et la culture, tout en ouvrant la voie à une convergence stratégique avec le programme Global Gateway de l’Union européenne. Un potentiel rapprochement qui souligne l’intérêt d’une approche intégrée, où initiatives nationales et ambitions européennes se renforcent mutuellement. L’UE, avec ce programme Global Gateway et les 150 milliards d’euros annoncés pour l’Afrique via le EU-Africa Investment Package d’ici 2027, montre des ambitions. Cependant, bien que la France y participe (hydrogène vert en Namibie, pôle de production de vaccins à Dakar), son implication reste trop dépendante de la stratégie des grandes entreprises, là où l’Allemagne ou l’Italie savent mieux mobiliser leurs PME.
La France doit donc engager un virage similaire, avec des actions concrètes :
Déployer davantage de chargés d’affaires économiques dans les ambassades ;
Réformer Business France pour en faire un acteur de terrain réactif ;
Doter Bpifrance de moyens accrus pour garantir les projets à l’export ;
Encourager les régions françaises à participer à la coopération économique avec les pays africains ;
Mobiliser les diasporas africaines en France comme relais de croissance, via des initiatives comme le Forum Ancrages.
Pour que cette nouvelle approche commerciale porte pleinement ses fruits, elle doit s’inscrire dans un environnement africain plus propice à l’initiative privée, à la concurrence loyale et à l’investissement. A cet égard, la promotion de la liberté économique sur le continent est un enjeu décisif.
Promouvoir activement la liberté économique
Le classement 2025 de The Heritage Foundation est sans appel : les économies africaines sont parmi les moins libres du monde, principalement en raison de la corruption généralisée, d’une pression fiscale excessive et d’un manque criant d’ouverture des marchés. La France doit donc cesser de fermer les yeux sur ces réalités et commencer à plaider, publiquement et fermement, pour la mise en place d’un environnement plus favorable aux investissements : stabilité réglementaire, simplification administrative, lutte contre la corruption, sécurité juridique.
Prenons l’exemple de l’Éthiopie. Le pays propose des exonérations fiscales attractives allant jusqu’à huit ans pour les entreprises, notamment à l’export. Mais derrière cette façade séduisante, de nombreux investisseurs dénoncent l’instabilité fiscale, des revirements politiques, et une administration fiscale peu fiable. Certaines exonérations sont révoquées après coup, entraînant des demandes de paiement rétroactif d’impôts, et la complexité du système engendre des coûts administratifs prohibitifs. Résultat : la défiance s’installe et les investisseurs doivent être rassurés par le FMI. L'absence d’État de droit économique rend impossible tout investissement serein à long terme. Ce type de pratiques doit être dénoncé et corrigé pour bâtir des partenariats solides. La France peut ici jouer un rôle utile de conseil et de soutien technique, sans être donneuse de leçons.
Une autre manière de promouvoir la liberté économique en Afrique passe par le réengagement de la diaspora africaine en France. Le Sommet Afrique-France de 2021 a réaffirmé, par la voix du président Macron, le potentiel de cette diaspora comme une « chance », et le Conseil présidentiel du développement de mai 2023 a évoqué un « destin partagé » via l'innovation et l'entrepreneuriat. Trop longtemps perçue comme un simple intermédiaire communautaire ou un canal de transferts de fonds, cette diaspora constitue un réservoir exceptionnel de compétences, de capitaux et de réseaux. Il est urgent de la mobiliser activement pour le développement économique du continent. Cependant, l'implication de la France doit évoluer. D'un rôle de financeur, elle doit devenir un facilitateur et un conseiller. Le financement du développement économique doit d'abord être une responsabilité des États africains eux-mêmes. Malgré leur expertise et leur motivation, de nombreux membres de la diaspora, forts de carrières réussies en France, se heurtent à un environnement économique local souvent hostile. Au-delà des programmes d'aide existants (tels que des investissements de l’AFD développés par Expertise France ou Meet Africa), la réalité est faite de lourdeurs administratives, de chaînes logistiques inefficaces, d'un manque de profils qualifiés et, surtout, d'une absence criante de liberté économique. La corruption, la bureaucratie excessive et le manque de transparence sont des obstacles structurels majeurs. Il est impératif d'inciter, voire de pousser, les nations africaines économiquement instables et réticentes à l'ouverture à entreprendre des réformes structurelles profondes.
La France peut encore jouer un rôle stratégique en Afrique, mais à condition de sortir des logiques anciennes, des discours sans suite et de la morale à sens unique. Elle doit redevenir un acteur économique crédible, compétitif et présent. Une stratégie modernisée, structurée et assumée est désormais nécessaire. Le continent africain n’attend plus la France : il choisit ses partenaires. À la France de démontrer qu’elle peut encore être un partenaire de premier plan.